Fabio FERRANTELLI
L’application des barèmes MACRON devant le Conseil des Prud’hommes de NICE
- juillet 5, 2019
- , 10:02
- , Jurisprudence
Pour la première fois à notre connaissance, le Conseil des Prud’hommes de NICE en sa formation de départage vient se prononcer sur l’application du barème MACRON qui plafonne le montant de l’indemnité allouée à un salarié dont le licenciement est jugé abusif ou sans cause réelle et sérieuse.
Pour mémoire, ce barème s’applique aux contentieux consécutifs à des licenciements prononcés postérieurement à la date de publication de l’ordonnance, soit après le 23 septembre 2017 (ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, art. 40-I, JO du 23).
Ainsi, en cas de licenciement abusif ou sans cause réelle et sérieuse, si le salarié ou l’employeur refuse une réintégration dans l’entreprise, le juge accorde au salarié une indemnité dont le montant est compris entre les planchers et plafonds fixés à l’article L.1235-3 du Code du Travail.
Depuis son entrée en vigueur, la conventionnalité de ce barème a été contestée devant les juridictions du fond.
Si la majeure partie des Conseil des Prud’hommes l’applique sans difficulté, certains d’entre eux saisis de la question ont écarté son application :
- Conseil de prud’hommes de TROYES (Cons. prud’h. Troyes, 13 déc. 2018, n° 18/00036)
- Conseil de prud’hommes d’AMIENS (Cons. prud’h. Amiens, 19 déc. 2018, n° 18/00040)
- Conseil de prud’hommes de LYON (Cons. prud’h. Lyon, 21 déc. 2018, n° 18/01238)
- Conseil de prud’hommes de LYON (Cons. prud’h. Lyon, 7 janv. 2019, n° 15/01398
- Conseil de prud’hommes d’ANGERS,( Cons. prud’h. Angers, 17 janv. 2019, n° 18/00046)
- Conseil de prud’hommes de GRENOBLE (Cons. prud’h. Grenoble, 19 janv. 2019, n° 18/00989)
- Conseil de prud’hommes d’AGEN départage (Cons.Prud’h. Agen, 5 fev. 2019, n°18/00049)
- Conseil de prud’hommes de DIJON (Cons.Prud’h. Dijon, 19 mars 2019, n°18/00464)
- Conseil de prud’hommes de BORDEAUX (Cons.Prud’h. Bordeaux, 9 avril 2019, n°18/00659)
- Le Conseil de prud’hommes de MARTIGUES (Cons.Prud’h. Martigues, 26 avril 2019, n°18/00168)
C’est dans ce contexte que le Conseil des Prud’hommes de NICE en sa formation de départage vient de se prononcer sur ce barème dans un jugement rendu le 20 juin 2019, n°18/00012.
Le juge départiteur sur la question de la conventionnalité du barème par rapport à l’article 10 de la Convention OIT n°158 retient que :
“Il résulte de l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT que si les organismes mentionnés à l’article 8 de la présente convention arrivent à la conclusions que le licenciement est injustifié, et si , compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.
Les organismes visés à l’article 8 sont un tribunal ou un arbitre présentant des garanties d’impartialité.
Il est constant que les dispositions claires et précises de la convention n°158 de l’OIT sont directement applicables, y compris dans les relations juridiques entre particuliers.
Il s’ensuit qu’en cas de licenciement [in]justifié, une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée pourra être ordonnée.Si le barème poursuite un objectif nécessaire de prévisibilité de droit, objectif d’intérêt général comme l’a souligné le Conseil Constitutionnel, les plafonds retenus doivent être écartés lorsque l’indemnité allouée ne constituent pas une réparation adéquate du préjudice subi résultant du licenciement injustifié notamment au regard de la situation particulière morale ou matérielle du particulier, en particulier de son âge, de son handicap, de ses charges de famille et que les possibilités de modulation de l’indemnisation dans les plafonds prévus par la loi ne permettant manifestement pas d’atteindre une réparation appropriée par rapport au préjudice réellement éprouvé, lequel ne peut dépendre que de l’ancienneté. Ainsi, le juge reste tenu de vérifier, dans le cadre du contrôle de conventionnalité et conformément au principe de légalité sur la primauté des traités et accords internationaux sur les textes internes, si l’application du barème aurait manifestement pour effet de priver le salarié d’une indemnité adéquate ou d’une réparation appropriée au regard du préjudice réellement éprouvé à la suite d’un licenciement injustifié.”
En l’espèce, après avoir procédé à cette vérification, le Conseil des Prud’hommes n’a pas écarté le barème en retenant qu’il n’était pas justifié du fait que l’indemnité maximale fixée par le barème ne permettait pas une réparation adéquate ou appropriée.
Pour l’heure, l’incertitude sur la conventionnalité ce barème perdure et il faut espérer que l’avis qui devrait prochainement être rendu par la Cour de Cassation durant le mois de juillet permette de trancher la question.
Vous trouverez ci après l’entière décision rendue par le Conseil des Prud’hommes de NICE :