Cet arrêt du 26 mars dernier est remarquable sur plusieurs points. D’abord, il met en évidence une pratique devenue commune qui est de conclure une transaction (C. civ., art. 2044) après une rupture conventionnelle (C. trav., art. L. 1237-11 et s.) afin de parvenir à une sécurisation optimale de la rupture du contrat de travail. La transaction, qui n’est valable que si elle est postérieure à la rupture conventionnelle, présente cet intérêt pour l’employeur d’être dotée de l’autorité de la chose jugée (C. civ., art. 2052) permettant de mettre fin à tout contentieux relatif à la rupture et à l’exécution du contrat de travail. Néanmoins, pour que cette solution soit acquise, encore faut-il que la rupture conventionnelle et la transaction fassent l’objet d’actes distincts et que cette dernière ne règle pas un différend relatif à la rupture du contrat de travail. La Cour a déjà eu l’occasion de préciser que la rupture conventionnelle n’est pas de nature transactionnelle mais cette frontière s’avère ténue, tant il apparaît que la transaction ayant pour objet de terminer un litige met en exergue l’existence de difficultés sur la rupture du contrat de travail et ses conséquences. La transaction intervenue peu de temps après l’homologation de la rupture conventionnelle n’aurait-elle pas notamment pour effet de démontrer l’éventuel vice du consentement du salarié ? Le présent arrêt révèle une nouvelle fois toute la complexité de l’articulation entre ces deux procédés.

En l’espèce, un salarié bénéficiant d’un mandat de délégué syndical et exerçant parallèlement en tant que conseiller prud’hom        al conclut une rupture conventionnelle avec son employeur. Celle-ci est autorisée par l’administration du travail le 1er septembre 2009 et leur est notifiée le 3 septembre. Le lendemain même, ces derniers concluent une transaction aux termes de laquelle le salarié doit renoncer à l’ensemble de ses droits, actions et prétentions dont il pourrait disposer au titre de la rupture de son contrat de travail, en contrepartie du versement d’une indemnité. Le salarié demande par la suite la nullité de cette transaction devant la juridiction prud’homale. Il est débouté en appel.

La Cour de cassation censure la position des juges du second degré. Si elle admet qu’une transaction puisse avoir lieu, c’est à une double condition. Selon la chambre sociale, la transaction doit, d’une part, intervenir postérieurement à l’homologation de la convention de rupture par l’autorité administrative et, d’autre part, ne doit pas viser à régler un différend relatif à la rupture du contrat de travail mais à son exécution, sur des éléments non compris dans la convention de rupture. Or, si la première condition ne faisait pas défaut ici, la seconde n’était pas satisfaite dans la mesure où la transaction avait pour objet de régler un différend relatif à la rupture du contrat de travail et ses conséquences. Elle portait en effet une mention tenant à ce que le salarié s’engageât, en contrepartie de l’indemnité transactionnelle, à n’intenter aucune action judiciaire en rapport avec la rupture du contrat de travail.

Par ailleurs, cet arrêt est aussi l’occasion pour la Cour de cassation d’affirmer pour la première fois la compétence du juge administratif lorsque la rupture conventionnelle a été conclue avec un salarié protégé. Selon la Haute juridiction, « le juge judiciaire ne peut, en l’état de l’autorisation administrative accordée à l’employeur et au salarié bénéficiant d’une protection mentionnée aux articles L. 2411-1 et L. 2411-2 du code du travail pour procéder à la rupture conventionnelle du contrat de travail qui les lie et sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier la validité de ladite rupture, y compris lorsque la contestation porte sur la validité du consentement du salarié ».

Il est logique, en effet, eu égard au principe de la séparation des pouvoirs, que le juge judiciaire ne puisse pas se prononcer sur la validité de la rupture conventionnelle autorisée par l’inspecteur du travail. Cette décision est, de surcroît, fidèle à la volonté des signataires de l’accord du 11 janvier 2008 qui avaient ouvert la perspective d’un nouveau contentieux administratif de la rupture du contrat de travail, à savoir le contentieux de l’homologation de la rupture conventionnelle.

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