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MANQUEMENT DE L’EMPLOYEUR A L’OBLIGATION LEGALE DE SECURITE : Vers une clarification des compétences respectives des juridictions Prud’homme et de sécurité sociale ?

I- INTRODUCTION : LE CONTEXTE ET LES TERMES DE LA PROBLEMATIQUE 

  • Définition de l’obligation légale de sécurité 

En application de l’article L 4121-1 du Code du travail (L 230-2 ancien), l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité dont il doit assurer l’effectivité (Soc. 28/02/2006 n°05-41555) et qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs et lui interdit, dans l’exercice de son pouvoir de direction, de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés (Soc. 05/03/2008 n°06-45888). 

Dans l’arrêt du 28/02/2006, la Chambre sociale a abandonné le fondement contractuel de l’obligation de sécurité (article 1147 ancien du Code civil) appliqué depuis la jurisprudence « amiante » (Soc. 28/02/2002 n°00.10051 et A.P. 24/06/2005 n°03.30038) au profit du seul fondement légal. 

Commentant cet arrêt, la Doctrine a écrit : « En changeant de fondement et en s’appliquant à des situations où le dommage constitué par l’atteinte à l’intégrité physique ou mentale du travailleur n’est pas réalisé, l’obligation de résultat et surtout le résultat changent de nature. Il ne s’agit plus de faciliter la réparation du dommage subi par le salarié, mais d’assurer l’effectivité du principe de prévention. En d’autres termes, la prévention est devenue ce résultat attendu de l’employeur ». (P.Y. Verkindt – Revue Droit social mars 2013). 

La jurisprudence de la Cour de cassation – selon laquelle la démonstration de l’absence de toute faute de l’employeur était indifférente à l’engagement de sa responsabilité (sauf exonération par la force majeure), peu important les mesures prises pour faire cesser le trouble – a encore évolué aux termes d’un arrêt de principe qui retient que : « Ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L 4121-1 et L 4121-2 du Code du travail » (Soc. 25/11/2015 n°14-24444 – Soc. 01/06/2016 n°14-19702). Par le changement de formulation, la Cour de cassation abandonne la terminologie « d’obligation de sécurité de résultat » au profit de celle « d’obligation de sécurité » puisqu’avant cette jurisprudence l’employeur était toujours responsable quels que soient les moyens de prévention mis en œuvre.  

  • Incidence du manquement à l’obligation de sécurité sur la rupture pour inaptitude 

La Doctrine a parfaitement posé la problématique : « la rupture pour inaptitude et impossibilité de reclassement peut être mal fondée, voire illicite, pour un motif autre que la non constatation régulière de l’inaptitude ou le manquement à l’obligation de reclassement. Il est, en effet, un principe constant de notre droit du licenciement selon lequel, lorsque le motif allégué du licenciement, même apparemment fondé, trouve sa cause directe et certaine dans un fait fautif ou un manquement de l’employeur qui l’a provoqué, c’est ce fait ou ce manquement [préalable] qui constitue alors la cause véritable du licenciement et il a pour conséquence de vicier le licenciement. (Président FROIN – Revue Droit social 2012)  

Ex : Nullité (harcèlement, discrimination santé, état de santé etc)- Sans cause (non-respect préconisation médicales)  

La chambre sociale juge ainsi que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse lorsqu’il est motivé par une inaptitude résultant d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité : 

  • Soc. 17/10/2012 n°11-18648 :  

“Mais attendu que l’employeur tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité en prenant en considération les propositions de mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, à la résistance physique ou à l’état de santé physique ou mentale des travailleurs que le médecin du travail est habilité à faire en application de l’article L. 4624-1 du code du travail ;  

Et attendu qu’après avoir rappelé que le médecin du travail avait demandé dès le 27 mars 2008 une limitation des déplacements professionnels de M. X…, la cour d’appel, qui, ayant constaté que l’employeur n’avait pas pris toutes les mesures nécessaires pour assurer le respect des préconisations formulées par ce médecin, ni donné au salarié des instructions impératives relatives aux déplacements et missions journaliers, a souverainement retenu que ces manquements ayant entraîné une aggravation de l’état de santé du salarié constatée à chaque visite ultérieure, avaient participé à l’inaptitude définitive de ce salarié à son poste, ne pouvait déclarer fondé le licenciement motivé par une inaptitude résultant de ce manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat ; “ 

  • Soc. 17/10/2012 n°11-19561 :  

“Mais attendu qu’après avoir relevé que l’employeur avait tardé à organiser une visite de reprise à la suite d’un arrêt de travail d’au moins 21 jours, la cour d’appel a constaté que le salarié avait versé une lettre du 5 janvier 2007 pour l’aviser qu’il continuait à manipuler des charges lourdes et à effectuer des missions pénibles ayant des répercussions sur son état de santé et un courrier de l’employeur du 12 janvier 2007 admettant lui avoir demandé de procéder notamment ” à la découpe et à la pose de panneaux de particules dans le cadre de la mise en place d’un plancher de 150 mètres carrés” ; qu’ayant ainsi caractérisé un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité dont elle a retenu qu’il était à l’origine de l’inaptitude du salarié, la cour d’appel a, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par le moyen, légalement justifié sa décision ; “ 

  • Soc. 29/05/2013 n°12-18485 : 

“Mais attendu que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité ; 

Et attendu qu’ayant relevé que le volume anormal de travail imposé au salarié pendant près de trois ans avait participé de façon déterminante à son inaptitude consécutive à un accident du travail, et ainsi caractérisé un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat, la cour d’appel en a exactement déduit, quand bien même le salarié n’invoquait pas un manquement de l’employeur à son obligation de reclassement, que le licenciement du salarié était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; 

  • Soc. 06/10/2015 n°14-12798 : 

Attendu que, pour dire que le licenciement avait été régulièrement prononcé et débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral, l’arrêt énonce que le contrat de travail mentionnait que la société se réservait toute possibilité de modifier les secteurs et les listes de clients, la définition des objectifs entrant dans son pouvoir de direction, que l’origine professionnelle des arrêts qui ont suivi, confirmée par une attestation et reconnue par la sécurité sociale, a débouché sur une inaptitude consécutive à un accident du travail qui emporte les conséquences indemnitaires prévues au code du travail mais ne peut pas conduire en l’espèce à une requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse ; 

Qu’en statuant ainsi, sans vérifier si les syndromes dépressifs liés à la souffrance au travail à l’origine de l’inaptitude du salarié résultaient d’agissements fautifs de l’employeur, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ; “ 

  • Nature de la problématique : en cas de manquement allégué de son employeur à l’obligation de sécurité, quelle(s) juridiction(s) un salarié en AT/MP (licencié pour inaptitude professionnelle, ou ayant pris acte de la rupture ou souhaitant la résiliation judiciaire du contrat) peut-il saisir et de quelle(s) demande(s) ? 

La situation d’un salarié licencié pour une inaptitude d’origine non professionnelle n’est, a priori, pas problématique en ce qu’elle ne met pas en jeu la compétence de la juridiction de sécurité sociale. 

Nous examinerons donc la situation du seul salarié en AT/MP selon qu’il est un salarié « ordinaire » ou un salarié protégé bénéficiaire de la protection des représentants du personnel et assimilés. 

I- LA REPARTITION DES COMPETENCES POUR LE SALARIE ORDINAIRE

  • Fondements des compétences respective des juridictions prud’homale et de sécurité sociale 

Les dispositions du Code de Sécurité sociale (applicables jusqu’au 01/01/2019 pour les 2 premières) : 

  • L 142-1 CSS : « Il est institué une organisation du contentieux général de la sécurité sociale. Cette organisation règle les différends auxquels donnent lieu l’application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole, et qui ne relèvent pas, par leur nature, d’un autre contentieux, ainsi que le recouvrement mentionné au 5° de l’article L. 213-1. »  
  • L 142-2 CSS : « Le tribunal des affaires de sécurité sociale connaît en première instance des litiges relevant du contentieux général de la sécurité sociale, de ceux relatifs à l’application de l’article L. 4162-13 du code du travail ainsi que de ceux relatifs au recouvrement des contributions, versements et cotisations mentionnés aux articles L. 143-11-6, L. 1233-66L. 1233-69L. 351-3-1 et L. 351-14 du code du travail. La cour d’appel statue sur les appels interjetés contre les décisions rendues par le tribunal des affaires de sécurité sociale. »  
  • L 451-1 CSS : « Sous réserve des dispositions prévues aux articles L. 452-1 à L. 452-5L. 454-1L. 455-1, L. 455-1-1 et L. 455-2 aucune action en réparation des accidents et maladies mentionnés par le présent livre ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit. » 
  • L 452-1 CSS : « Lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants. » 

Les dispositions du Code du travail : L 1411-1 CT : « Le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti. »  

  • Articulation des compétences :  

Il résulte de la combinaison de ces textes que la juridiction de sécurité sociale a une compétence exclusive pour trancher les litiges relatifs à la réparation des conséquences d’un AT ou d’une MP, y compris lorsqu’ils portent sur l’indemnisation complémentaire pour faute inexcusable. 

Rappelons que c’est l’analyse des demandes formées par le salarié qui permet de déterminer la juridiction compétente. 

Ainsi, la cour de cassation retient qu’un salarié ne peut former devant la juridiction prud’homale une demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité pour obtenir, en réalité, l’indemnisation des dommages résultant d’un AT/MP, laquelle relève de la compétence exclusive du TASS. 

  • Soc. 30/09/2010 n°09-41451 :  

Vu l’article L. 451-1 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles L. 142-1 du code de la sécurité sociale et L. 1411-1 du code du travail ; 

Attendu, selon le premier de ces textes, qu’aucune action en réparation des accidents du travail et maladies professionnelles ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit ;  

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X…, engagée à compter du 22 mars 1966 par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Saint-Etienne en qualité d’auxiliaire de remplacement et devenue en janvier 1992 agent d’accueil, a été victime, le 14 novembre 2005, d’insultes au travail de la part d’un assuré social et placée en arrêt de travail pour accident du travail jusqu’au 25 avril 2006 ; que pendant qu’elle était en arrêt de travail, elle a demandé à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er juin 2006, alors qu’elle était âgée de 58 ans ; que, soutenant que l’employeur n’avait pas pris toutes les mesures pour la protéger des agressions dont elle a été victime au travail, elle a saisi la juridiction prud’homale pour demander, outre des rappels de salaire, le paiement d’une somme en réparation de son préjudice résultant de son départ anticipé à la retraite ; 

Attendu que pour déclarer la juridiction compétente pour connaître du litige et, évoquant le fond, condamner la CPAM de Saint-Etienne à verser à Mme X… une somme à titre de dommages-intérêts en réparation de la diminution du montant de sa retraite, l’arrêt retient que l’article L. 1411-1 du code du travail confère compétence exclusive au conseil des prud’hommes pour trancher les différends qui peuvent s’élever, à l’occasion de tout contrat de travail, entre les employeurs et leurs salariés, que le conseil des prud’hommes reste compétent pour connaître d’un litige survenu après la rupture du contrat de travail dès lors qu’il découle de ce contrat, qu’en l’espèce, Yvonne X… n’agit nullement en reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur et en indemnisation complémentaire des conséquences d’un accident du travail, qu’elle ne demande pas la réparation des préjudices définis à l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, qu’elle fait valoir que la caisse primaire d’assurance maladie de Saint-Etienne n’a pas respecté ses obligations d’employeur en n’assurant pas sa sécurité pour prévenir les nombreuses agressions dont elle prétend avoir été victime et que cette défaillance l’a conduite à prendre une retraite anticipée, qu’ainsi, elle agit en responsabilité de l’employeur pour manquement à son obligation de sécurité, que l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur est issue du contrat de travail, que dès lors, le litige trouve son fondement dans la mauvaise exécution du contrat de travail reprochée par la salariée à son employeur ; 

Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que sous couvert d’une action en responsabilité à l’encontre de l’employeur pour mauvaise exécution du contrat de travail, la salariée demandait en réalité la réparation du préjudice résultant de l’accident du travail dont elle avait été victime, ce dont il découlait qu’une telle action ne pouvait être portée que devant le tribunal des affaires de sécurité sociale et que la juridiction prud’homale était incompétente pour en connaître, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;  

  • Soc. 29/05/2013 n°11-20074 (rendu après avis de la 2e Chambre civile) : 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X… a été engagée le 22 juillet 2002 par la société Texto France (la société), en qualité de responsable de magasin ; que, victime le 17 janvier 2006 d’une chute dans un escalier qualifiée accident du travail, elle a été déclarée définitivement inapte à son poste par le médecin du travail le 10 mai 2006 et licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 28 juin 2007 ; que la salariée a saisi la juridiction prud’homale pour contester ce licenciement et demander la condamnation de l’employeur à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour manquement à son obligation de sécurité ; (…) 

Vu les articles L. 451-1 et L. 142-1 du code de la sécurité sociale ;  

Attendu que si la juridiction prud’homale est seule compétente pour connaître d’un litige relatif à l’indemnisation d’un préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail, relève, en revanche, de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail, qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ; 

Attendu que pour déclarer la juridiction prud’homale compétente pour connaître du litige et accueillir la demande de la salariée tendant au paiement de dommages-intérêts, l’arrêt retient que les manquements de l’employeur à son obligation de sécurité ouvraient droit à réparation ; 

Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que l’accident survenu le 17 janvier 2006 avait été admis au titre de la législation professionnelle et que, sous couvert d’une action en responsabilité contre l’employeur pour manquement à son obligation de sécurité, la salariée demandait en réalité la réparation d’un préjudice né de l’accident du travail dont elle avait été victime, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;  

  • Soc. 09/07/2014 n°13-18696 : 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X…a été engagé par la société C/ S France le 3 décembre 2007, en qualité d’opérateur production ; que victime d’une série d’accidents du travail, il a été en arrêts de travail successifs ; qu’à l’issue d’une visite médicale de reprise du 5 novembre 2008, le médecin du travail l’a déclaré apte avec restriction ; que victime d’un nouvel accident du travail le 17 février 2009, il a été placé en arrêt de travail du 2 mars jusqu’au 1er décembre 2009 ; qu’à l’issue d’une nouvelle visite de reprise du 8 décembre 2009, le médecin du travail l’a déclaré apte avec la mention « rythme de travail adapté au handicap, à revoir dans trois mois » ; que le 22 décembre 2009, le salarié a signé un formulaire de rupture conventionnelle du contrat de travail laquelle a été homologuée le 27 janvier 2010 ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir la nullité de la convention de rupture et diverses indemnités ; 

Vu les articles L. 451-1 et L. 142-1 du code de la sécurité sociale ;  

Attendu que si la juridiction prud’homale est seule compétente pour connaître d’un litige relatif à l’indemnisation d’un préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail, relève, en revanche, de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail, qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ;  

Attendu que pour accueillir la demande du salarié tendant au paiement de dommages-intérêts pour non-respect par l’employeur de son obligation de sécurité de résultat, l’arrêt retient que celui-ci qui ne justifie pas, avant le 2 décembre 2009, du respect des préconisations issues de l’examen de reprise du 5 novembre 2008, a commis une faute en s’abstenant de mettre fin au danger auquel était exposé l’intéressé; 

Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que les arrêts de travail successifs étaient en relation directe avec des accidents du travail et avaient été admis au titre de la législation professionnelle et que, sous couvert d’une action en responsabilité contre l’employeur pour manquement à son obligation de sécurité, le salarié demandait en réalité la réparation d’un préjudice né de l’accident du travail dont il avait été victime, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;  

 

La Chambre sociale a jugé par ailleurs que l’indemnisation du préjudice résultant de la perte d’emploi du salarié, licencié pour inaptitude d’origine professionnelle imputable à la faute inexcusable de l’employeur, est comprise dans les DI alloués en réparation du préjudice relatif à la violation de l’obligation de reclassement (L1226-1 CT) : pas de cumul entre les DI pour licenciement sans cause et les DI pour perte d’emploi. 

 Soc. 29/05/2013 n°11-28799 : 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X…, engagé en 1975 en qualité d’ouvrier de maintenance électrique par la société Sollac Méditerranée, aux droits de laquelle se trouve la société Arcelormittal Méditerranée, a été victime le 15 février 1998 d’un accident du travail, à la suite duquel il a été licencié pour inaptitude le 30 juin 2000 ; que par arrêt du 15 mai 2003, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné l’employeur à payer au salarié la somme de 24 000 euros à titre de dommages-intérêts tant sur le fondement de l’article L. 132-32-7 que de l’article L. 132-32-5 du code du travail devenus L. 1226-10 et L. 1226-15 ; que par arrêt du 15 juin 2005 (Soc, n° 03-44.468), la Cour de cassation a cassé partiellement cet arrêt en ce qu’il avait condamné l’employeur à payer au salarié cette somme à titre de dommages-intérêts, tous chefs de préjudice confondus ; que par arrêt sur renvoi du 19 septembre 2007, la cour d’appel de Nîmes a alloué au salarié la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que par jugement du 5 septembre 2007, le tribunal des affaires de sécurité sociale a reconnu le caractère inexcusable de la faute de l’employeur ; que le salarié a saisi à nouveau la juridiction prud’homale ; 

Attendu que pour condamner l’employeur au paiement d’une indemnité au titre de la perte d’emploi, l’arrêt retient qu’en raison de la faute inexcusable à l’origine de l’inaptitude au travail du salarié, le licenciement consécutif à cette inaptitude était imputable à l’employeur ; que le préjudice résultant de la perte d’emploi peut être notamment caractérisé par le changement de vie alors que la signature d’un contrat à durée indéterminée ouvre des perspectives d’emploi durable, par la remise en cause des projets matériels et par la souffrance morale indépendante de celle directement liée à l’accident ; que compte tenu de l’âge et de l’ancienneté de l’intéressé au moment de la rupture, le préjudice moral sera réparé par l’allocation de la somme de 2 000 euros ; 

Qu’en statuant ainsi, alors que l’indemnisation de ce préjudice était comprise dans les dommages-intérêts alloués à l’intéressé en réparation du préjudice résultant de la méconnaissance par l’employeur des dispositions de l’article L. 1226-10 du code du travail, lequel comprenait nécessairement l’indemnisation de la perte d’emploi, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; 

 

La Chambre sociale avait déjà admis que le droit d’un salarié, licencié pour inaptitude professionnelle découlant d’une faute inexcusable de l’employeur, à une indemnité pour la perte de l’emploi relevait de la compétence prud’homale (Soc. 17/05/2006 n°04-47455 – Soc 26/01/2011 n°09-41342), également s’agissant de la perte des droits à retraite (Soc 26/10/2011 n°10-20991). 

Mais en incluant dans la réparation du licenciement non causé l’indemnisation de la perte d’emploi et celle des droits à la retraite, cette jurisprudence de la chambre sociale heurtait la jurisprudence de la 2e chambre civile qui déduisait de l’article L 434-2 CSS que la rente versée à la victime d’un AT indemnise à la fois la perte des gains professionnels que l’incidence professionnelle résultant de l’incapacité (Civ. 2e 11/06/2009 n°07-21768). l’article L’article L 434-2 CSS dispose en effet que le taux d’IPP réparant les conséquences d’un AT/MP est fixé d’après notamment les aptitudes de la victime et sa qualification professionnelle. Idem en cas de majoration de rente en raison de la faute inexcusable (Civ 2e 04/04/2012 n°11-14311). 

 Dans le souci d’harmoniser la jurisprudence des deux chambres, la Chambre mixte a précisé : 

  • Ch. Mixte 09/01/2015 n°13-12.310 :  

Et attendu que la perte de droits à la retraite, même consécutive à un licenciement du salarié pour inaptitude, est couverte, de manière forfaitaire, par la rente majorée qui présente un caractère viager et répare notamment les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle résultant de l’incapacité permanente partielle subsistant au jour de la consolidation ; 

Que la cour d’appel a donc décidé à bon droit que la perte subie par M. X… se trouvait déjà indemnisée par application des dispositions du livre IV, de sorte qu’elle ne pouvait donner lieu à une réparation distincte sur le fondement de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale;  

  • Confirmation ensuite par : Civ 2e 12/03/2015 n°13-11994 et 10/03/2016 n°15-12948.  

C’est dans ces conditions que la chambre sociale juge désormais que les préjudices résultant de la perte de l’emploi et des droits à retraite ne peuvent être indemnisés à titre complémentaire devant la juridiction prud’homale, même en cas de faute inexcusable de l’employeur :  

  • Soc. 06/10/2015 n°13-26052 : 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’engagé par le groupement d’intérêt économique (GIE) UFP le 1er février 1989 en qualité de comptable, M. X… a été désigné en qualité de délégué syndical le 30 octobre 1995 ; qu’il a été en arrêt de travail pour maladie du 3 au 11 juin 1996, puis du 30 septembre 1996 au 29 janvier 1997 et enfin à compter du 22 avril 1997 ; qu’à compter du 1er juillet 2002, le salarié a été pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie au titre de la législation sur les maladies professionnelles et les accidents du travail et placé en invalidité deuxième catégorie le 9 septembre 2004 ; que le médecin du travail ayant déclaré ce salarié inapte aux fonctions de comptable lors de la seconde visite le 20 mai 2008 et après autorisation de l’inspecteur du travail en date du 12 septembre 2008, le GIE UFP a notifié à M. X… son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement par une lettre du 16 septembre 2008 ; (…) 

Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes de réparation des préjudices liés à la perte d’emploi, ainsi qu’à la perte de droits à retraite, alors, selon le moyen :  

1°/ que lorsqu’un salarié a été licencié en raison d’une inaptitude consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle qui a été jugé imputable à une faute inexcusable de l’employeur, il a droit à une indemnité réparant la perte de son emploi due à cette faute de l’employeur, préjudice distinct de celui ayant donné lieu à la réparation spécifique afférente à l’accident du travail et dont l’indemnisation peut être demandée devant la juridiction prud’homale de façon autonome, indépendamment d’une contestation du licenciement ; qu’en déboutant M. X… de sa demande en réparation du préjudice lié à la perte de son poste dont la faute inexcusable du GIE UFP était à l’origine, au motif inopérant que le salarié ne contestait pas l’existence d’une cause réelle et sérieuse justifiant son licenciement, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil et le principe de la réparation intégrale du préjudice ;  

2°/ qu’à l’appui de sa demande en réparation du préjudice lié à la perte de retraite qu’il avait subi, M. X… faisait valoir devant la cour d’appel qu’ayant été contraint de faire valoir ses droits à la retraite à l’âge de 60 ans puisqu’il se trouvait sous le régime de l’invalidité, il percevait des indemnités moindres que celles qu’il aurait perçues s’il avait pu prendre sa retraite dans des conditions normales ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen des conclusions du salarié, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;  

Mais attendu que la demande d’indemnisation de la perte, même consécutive à un licenciement du salarié pour inaptitude, tant de l’emploi que des droits à la retraite correspondant en réalité à une demande de réparation des conséquences de l’accident du travail, la cour d’appel, qui n’avait pas à répondre à des conclusions inopérantes, a légalement justifié sa décision ;   

  • Soc 15/03/2017 n°16-11139 : 

Attendu qu’ayant retenu, dans l’exercice de son pouvoir d’interprétation des conclusions des parties, que le salarié demandait à la juridiction prud’homale la réparation des conséquences, non de l’accident dont il avait été victime, mais de son licenciement, et relevé, par une appréciation souveraine des preuves produites, que l’employeur avait omis de s’assurer de la sécurité due au salarié puis tardé à organiser la visite de reprise du travail pour ce salarié qui l’avait informé de l’évolution de son état de santé, la cour d’appel, qui a justement rejeté l’exception d’incompétence du conseil de prud’hommes, a fait ressortir de ses constatations que l’employeur avait manqué à ses obligations dans des conditions rendant impossible la poursuite du contrat de travail ; que le moyen n’est pas fondé ;  

Par deux arrêts « estampillés » PBRI du 3 mai 2018, la chambre sociale a précisé la compétence du juge prud’homal au regard de celle du juge de sécurité sociale : 

En décidant,  en premier lieu, que l’indemnisation qui peut être allouée par le juge prud’homal est circonscrite aux conséquences de la rupture abusive (absence de cause) ou illicite (nullité) du contrat de travail. Le juge prud’homal doit faire application des sanctions prévues par le Code du travail ; autrement dit, dès lors que la rupture n’est pas remise en cause, la demande indemnitaire est considérée comme relevant de la compétence du TASS. 

Et en rappelant avec clarté, en second lieu, qu’est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle lorsqu’il est démontré que cette inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée.  

  • Soc. 03/05/2018 n°16-26850 : 

Vu l’article L. 1411-1 du code du travail, ensemble les articles L. 451-1 et L. 142-1 du code de la sécurité sociale ; 

Attendu, d’une part, que si l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail, qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud’homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; 

Attendu, d’autre part, qu’est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu’il est démontré que l’inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée ; 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X…, engagé le 18 février 2001 en qualité de couvreur par M. Y…, a été victime, le 8 avril 2005, d’un accident du travail ; que la juridiction de sécurité sociale a dit que cet accident était dû à la faute inexcusable de l’employeur et a fixé les préjudices subis par le salarié ; qu’ayant été licencié, le 23 octobre 2013, pour inaptitude et impossibilité de reclassement, M. X… a saisi la juridiction prud’homale ; 

Attendu que pour rejeter la demande en paiement d’une indemnité réparant le préjudice subi du fait de la rupture du contrat de travail, l’arrêt retient que le salarié demande à la juridiction du travail de dire que son licenciement a pour cause la violation de l’obligation de sécurité de résultat incombant à son employeur et qu’en conséquence, il est sans cause réelle et sérieuse, et, à titre subsidiaire, qu’il a pour cause la faute inexcusable de son employeur, de sorte que cette nouvelle demande relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale comme étant une demande de réparation d’un préjudice né de l’accident du travail, qu’il lui appartient de présenter cette demande devant la juridiction de sécurité sociale seule compétente puisqu’elle constitue une demande d’indemnisation de la perte de son emploi consécutive à l’accident du travail et à la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur commise à son égard ; 

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le salarié demandait la réparation du préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail et faisait valoir que son licenciement pour inaptitude était dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de la violation par l’employeur de son obligation de sécurité, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;  

  • Soc. 03/05/2018 n°17-10306 : 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Agen, 8 novembre 2016), que Annie X… a été engagée le 13 novembre 2000 en qualité d’agent de maîtrise par la société Grimen, exerçant sous l’enseigne Leclerc ; que la salariée ayant été victime d’un accident du travail survenu le 4 août 2010, le médecin du travail l’a déclarée inapte à son poste avec mention d’un danger immédiat à l’issue d’un unique examen du 10 mai 2011 ; que licenciée, le 6 juin suivant, pour inaptitude et impossibilité de reclassement, elle a saisi la juridiction prud’homale ; que par un arrêt du 14 avril 2014, la juridiction de sécurité sociale a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ; 

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de rejeter son exception d’incompétence, alors, selon le moyen : 

1°/ que, dans ses écritures, Mme Y… se bornait à faire valoir que son accident du travail et le licenciement pour inaptitude qui s’en était suivi résultait du manquement par son employeur à son obligation de sécurité en sorte qu’il devait être condamné à lui verser des dommages et intérêts correspondant aux salaires qu’elle aurait perçus jusqu’à sa mise à la retraite, sans jamais faire valoir que ce manquement justifiait que son licenciement soit considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu’en affirmant, pour rejeter l’exception d’incompétence de la juridiction prud’homale, que la salariée ne réclamait pas des dommages et intérêts en réparation d’un préjudice résultant de son accident du travail ou du manquement de son employeur à son obligation de sécurité mais des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d’appel, qui a dénaturé les termes du litige, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ; 

2°/ qu’il résulte de l’article L. 451-1 du code de la sécurité sociale que l’action en réparation des accidents et maladies mentionnés par le Livre IV ne peut donner lieu à aucune autre action que celles prévues par les articles L. 452-1 à L. 452-5, L. 454-1, L. 455-1, L. 455-1-1 et L. 455-2 du code de la sécurité sociale ; que la demande de dommages-intérêts tendant à la réparation des préjudices subis par le salarié en raison de son licenciement prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement, au motif que cette inaptitude serait due à un accident de travail correspond à une demande de réparation d’un préjudice né d’un accident mentionné par le Livre IV du code de la sécurité sociale qui ne peut être donc être exercée que sur le fondement des dispositions de ce code devant la juridiction de sécurité sociale ; qu’il résulte des constatations de l’arrêt attaqué que l’accident du travail dont a été victime Mme Y… a été pris en charge comme tel par la CPAM de Corrèze par courrier du 11 août 2010 ce dont il résultait que la demande de dommages-intérêts consécutive au licenciement pour inaptitude du salarié et fondée sur un prétendu manquement de l’employeur à l’origine de l’accident ayant entraîné l’inaptitude ne pouvait être formulée sur le fondement des dispositions du code du travail devant la juridiction prud’homale ; qu’en retenant néanmoins qu’elle était compétente pour se prononcer sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse résultant de l’inaptitude causée par l’accident du travail dont Mme Y… a été victime, la cour d’appel a violé l’article L. 451-1 du code de la sécurité sociale et, par fausse application, l’article L. 1235-3 du code du travail et l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction alors en vigueur ; 

Mais attendu que si l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail, qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud’homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; 

Attendu, d’autre part, qu’est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu’il est démontré que l’inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée ; 

Et attendu, qu’ayant constaté, sans méconnaître l’objet du litige, que la salariée ne réclamait pas des dommages-intérêts en réparation d’un préjudice résultant de son accident du travail ou du manquement de son employeur à son obligation de sécurité mais des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que par son manquement à l’obligation de sécurité, l’employeur était à l’origine de son licenciement pour inaptitude, la cour d’appel en a exactement déduit qu’elle était compétente pour statuer sur cette demande ; 

 

Dans un 3e arrêt du même jour, la chambre sociale a censuré une cour d’appel qui avait dit le juge prud’homal incompétent pour statuer sur une demande d’une salariée victime d’un AT de résiliation judiciaire fondée sur l’existence d’un harcèlement moral et sur le manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité. Il est jugé que la juridiction prud’homale est seule compétente pour connaître des règles relatives à la rupture du contrat de travail. 

  • Soc 03/05/2018 n°16-18116 : 

Vu les articles L. 1411-1 du code du travail, ensemble les articles L. 451-1 et L. 142-1 du code de la sécurité sociale ; 

Attendu que si l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail, qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud’homale est seule compétente pour connaître de l’application des règles relatives à la rupture du contrat de travail ; 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme Z… a été engagée à compter du 1er août 1989 par l’association ADAPEI des Hautes-Pyrénées (l’association) en qualité d’infirmière ; que, selon une fiche de poste du 4 avril 2007, l’association a confié à la salariée des fonctions de coordonnatrice moyennant versement d’indemnités d’astreinte ; que la salariée, placée en arrêt de travail du 11 février au 23 mars 2012, puis, du 12 juin au 7 octobre 2012, a saisi la juridiction prud’homale le 10 octobre 2012 d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, et de demandes en paiement de diverses sommes à titre d’ indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que, le 19 décembre 2012, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; 

Attendu que pour dire la juridiction incompétente pour se prononcer sur la demande de résiliation judiciaire formée au titre du harcèlement moral et du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, l’arrêt retient que lorsqu’un salarié sollicite la réparation du préjudice consécutif à un accident du travail dont il a été victime et dont il impute la responsabilité à l’employeur, ainsi que la réparation du préjudice qu’il a subi à la suite d’un licenciement prononcé en raison d’une inaptitude consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, sa demande d’indemnisation correspond à une demande de réparation des conséquences de l’accident du travail dont l’appréciation relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale ; 

Qu’en statuant ainsi, alors que la juridiction prud’homale était seule compétente pour se prononcer sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur formée par la salariée, et sur les demandes en paiement de sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’indemnités de rupture, la cour d’appel, qui devait examiner l’ensemble des griefs invoqués au soutien de la demande de résiliation judiciaire, a violé les textes susvisés ; 

Qu’en est-il en matière de licenciement pour inaptitude du salarié protégé autorisé par l’administration lorsque le salarié impute cette inaptitude à un manquement de l’employeur à ses obligations ? 

 

II / LA REPARTITION DES COMPETENCES POUR LE SALARIE PROTEGE 

Le « dualité » des compétences de l’ordre judiciaire (CPH/TASS) est compliquée par l’entrée en scène de la compétence de l’ordre administratif à raison du statut protecteur d’ordre public. 

La Doctrine a par exemple écrit que : « Le licenciement pour inaptitude du salarié protégé fait difficulté en raison de la complexité de la situation sur le plan juridique qui mêle un avis d’inaptitude (du médecin du travail) ou une décision d’inaptitude (de l’autorité administrative), une autorisation administrative de licenciement et un acte juridique unilatéral de l’employeur, et de l’enchevêtrement des compétences juridictionnelles qui en résulte. Le médecin du travail puis l’autorité administrative peuvent se trouver à confrontés à un conflit de logiques lorsque l’inaptitude du salarié est avérée mais qu’elle est directement imputable aux conditions de travail… » C. RADE (Revue de droit social 2014) 

En d’autres termes, le licenciement doit-il être autorisé au seul vu de l’inaptitude objective ou doit-il être refusé au vu de l’origine de l’inaptitude lorsqu’elle résultd’un manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité ? 

 La Jurisprudence a apporté successivement des réponses concordantes au fil des situations qui lui étaient soumises. 

S’agissant du harcèlement moral subi par un salarié protégé :  

  • Conseil d’Etat 4e et 5e sections réunies 20/11/2013 n°340591 : 

Considérant qu’en vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l’intérêt de l’ensemble des travailleurs qu’ils représentent, d’une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l’un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l’intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l’inaptitude physique, il appartient à l’inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu’elle justifie le licenciement envisagé, compte tenu des caractéristiques de l’emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l’ensemble des règles applicables au contrat de travail de l’intéressé, des exigences propres à l’exécution normale du mandat dont il est investi, et de la possibilité d’assurer son reclassement dans l’entreprise ;  

Considérant cependant que, si l’administration doit ainsi vérifier que l’inaptitude physique du salarié est réelle et justifie son licenciement, il ne lui appartient pas, dans l’exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d’un harcèlement moral dont l’effet, selon les dispositions combinées des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail, serait la nullité de la rupture du contrat de travail ; que, ce faisant, la décision de l’inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié, s’il s’y estime fondé, fasse valoir devant les juridictions compétentes les droits résultant de l’origine de l’inaptitude lorsqu’il l’attribue à un manquement de l’employeur ;  

Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de ce qui vient d’être dit que l’inspecteur n’a pas méconnu les dispositions du code du travail en ne recherchant pas si l’origine de l’inaptitude du salarié, qu’il a constatée, trouvait son origine dans un comportement fautif de l’employeur ; que le moyen tiré de ce que l’inaptitude de la requérante aurait son origine dans des faits de harcèlement moral est, par suite, sans incidence sur la légalité de la décision de l’inspecteur du travail ; 

Considérant, en deuxième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier, d’une part, que l’employeur a recensé les postes à pourvoir dans la société, d’autre part, qu’ainsi que l’a estimé l’employeur après avoir consulté les services de la médecine du travail, aucun de ces postes n’était compatible avec les constatations du médecin du travail ; que, par suite, la requérante n’est pas fondée à soutenir que son employeur ne s’est pas acquitté de son obligation de reclassement ;  

Considérant, en troisième lieu, que l’inspecteur du travail, qui a relevé que la requérante avait fait l’objet d’un avis d’inaptitude définitive à son poste de travail le 3 décembre 2003, qu’aucune possibilité de reclassement ne répondait aux constatations et aux prescriptions des services de la médecine du travail et que le licenciement n’était pas en lien avec le mandat, a suffisamment motivé sa décision ; (…)   

  • La chambre sociale retient la même solution : Soc. 27/11/2013 n°12-20301 : 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 5 avril 2012), qu’engagée à compter du 25 septembre 1989 par l’organisme de gestion de l’enseignement catholique Saint-Laurent-la-Paix-Notre-Dame, Mme X…, élue délégué du personnel, qui exerçait en dernier lieu les fonctions de comptable à temps complet, a été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement par une lettre du 3 août 2010, après que le médecin du travail a constaté son inaptitude à tout poste dans l’entreprise et que l’inspecteur du travail a autorisé son licenciement ; (…) 

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts pour perte d’emploi outre une indemnité de procédure, alors selon le moyen :  

1°/ que si l’autorisation de licencier accordée par l’autorité administrative ne prive par le salarié du droit de demander l’indemnisation du préjudice causé par des faits de harcèlement ou par des faits de discrimination liée à l’âge ou à l’état de santé dont il a été victime, elle ne lui permet toutefois plus de contester pour ces motifs la cause ou la validité de son licenciement et partant, d’obtenir des dommages-intérêts liés à la perte de l’emploi consécutif à de tels agissements de la part de l’employeur ; qu’en condamnant l’employeur à payer à la salariée des dommages-intérêts pour perte de l’emploi et incidence sur la retraite au prétexte que son inaptitude médicale ayant conduit à son licenciement était la conséquence du comportement inapproprié de l’employeur coupable d’actes de harcèlement moral et de discrimination liée à l’âge et à l’état de santé, la cour d’appel qui a pourtant constaté que l’inspecteur du travail avait autorisé le licenciement de la salariée, a violé le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble la loi du 16-24 août 1790 et l’article L. 2421-3 du code du travail ;  

2°/ que la seule existence d’actes de harcèlement moral ou d’une discrimination de la part de l’employeur ne permet pas de déduire que l’inaptitude physique du salarié, cause de son licenciement, est la conséquence directe de ce comportement inapproprié ; qu’en déduisant du seul comportement harcelant ou discriminatoire de l’employeur la conclusion que l’inaptitude médicale de la salarié était la conséquence de ce comportement inapproprié, la cour d’appel qui n’a relevé aucun élément permettant de relier directement cette inaptitude physique au comportement fautif de l’employeur a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;  

3°/ que la cassation à intervenir de l’arrêt jugeant que Mme X…avait été victime d’actes de harcèlement moral et de discrimination liée à son âge et à son état de santé, (critiqué au premier moyen) entraînera l’annulation de ce chef de dispositif en application de l’article 624 du code de procédure civile ;  

Mais attendu que dans le cas où une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l’administration du travail de vérifier que l’inaptitude physique du salarié est réelle et justifie son licenciement ; qu’il ne lui appartient pas en revanche, dans l’exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d’un harcèlement moral dont l’effet, selon les dispositions combinées des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail, serait la nullité de la rupture du contrat de travail que, ce faisant, l’autorisation de licenciement donnée par l’inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l’origine de l’inaptitude lorsqu’il l’attribue à un manquement de l’employeur à ses obligations ;  

Et attendu qu’ayant constaté que la salariée établissait que le harcèlement moral subi était à l’origine de son inaptitude physique, la cour d’appel en a exactement déduit que celle-ci était fondée à solliciter la réparation du préjudice résultant de la perte d’emploi ; que le moyen n’est pas fondé ;  

 

Compte tenu de la généralité de cette formule selon laquelle « l’autorisation administrative de licencier ne fait obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l’origine de l’inaptitude lorsqu’il l’attribue à un manquement de l’employeur à ses obligations », le salarié protégé peut-il – nonobstant cette autorisation – demander à la juridiction prud’homale l’annulation du licenciement en faisant valoir, par exemple, que son inaptitude a pour origine des agissements de harcèlement moral ? 

Dans un premier temps, la Chambre sociale a jugé dans 3 arrêts que « si l’autorisation de licenciement accordée par l’autorité administrative ne permet plus au salarié de contester la cause ou la validité de son licenciement en raison d’un harcèlement, elle ne le prive pas du droit de demander réparation du préjudice qui est résulté du harcèlement moral ». Soc 15/11/2011 n°10-10687 – n°10-18417, n°10-30463) 

Puis la Cour de cassation a changé de position, comme annoncé dans son rapport annuel pour 2013 : Soc. 15/04/2015 n°13-21306, 13-22469 : 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X… a été engagé par la société Mutuelle assurance de l’éducation en qualité d’attaché de direction, à compter du 29 septembre 2003 ; que le 11 octobre 2004, ce salarié a été désigné délégué syndical par la Fédération CFE-CGC de l’assurance ; que placé en arrêt de travail pour maladie le 7 décembre 2004 jusqu’à sa mise en invalidité le 7 décembre 2007, il a été licencié pour inaptitude définitive et impossibilité de reclassement le 28 octobre 2008, après autorisation de l’inspecteur du travail donnée le 15 octobre 2008 ; que contestant la validité de ce licenciement, M. X… a saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir le paiement de diverses sommes ; (…) 

Mais sur le premier moyen du pourvoi du salarié :  

Vu la loi des 16-24 août 1790 et les articles L. 2421-3, L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;  

Attendu que pour se déclarer incompétente pour statuer sur la demande de nullité du licenciement du salarié, la cour d’appel énonce qu’en vertu du principe de séparation des pouvoirs, le juge judiciaire ne peut, lorsqu’une autorisation de licenciement a été accordée, apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement, qu’en l’espèce, l’autorisation administrative de licenciement pour inaptitude en date du 15 octobre 2008 n’a fait l’objet d’aucun recours devant le juge administratif, qu’ainsi, le salarié ne peut plus contester la validité de son licenciement en considérant que l’inaptitude prononcée a pour origine le harcèlement moral de son employeur ;  

Attendu cependant que dans le cas où une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l’administration du travail de vérifier que l’inaptitude physique du salarié est réelle et justifie son licenciement ; qu’il ne lui appartient pas en revanche, dans l’exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d’un harcèlement moral dont l’effet, selon les dispositions combinées des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail, serait la nullité de la rupture du contrat de travail ; que, ce faisant, l’autorisation de licenciement donnée par l’inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l’origine de l’inaptitude lorsqu’il l’attribue à un manquement de l’employeur à ses obligations ;  

Qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; 

 

 S’agissant de la résiliation judiciaire du contrat de travail, la chambre sociale a ensuite retenu la même solution : Soc. 19/11/2014 n°13-12060. 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’engagée par l’Association interprofessionnelle de santé au travail (AIST) à compter du 8 mai 1979 en qualité de médecin remplaçant, devenue médecin du travail à compter du 1er mars 1981, Mme X… a, le 27 juin 2008, saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail, se plaignant d’être victime de harcèlement ; que cette salariée a été licenciée par une lettre du 22 décembre 2008 pour inaptitude physique médicalement constatée et impossibilité de reclassement, après que l’inspecteur du travail a autorisé son licenciement ; (…) 

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail ;  

Attendu que pour déclarer irrecevable la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, la cour d’appel énonce que le principe de séparation des pouvoirs entre le juge judiciaire et le juge administratif consacré par la loi des 16 et 24 août 1790, interdit au premier d’examiner le caractère réel et sérieux des motifs d’un licenciement qui a été autorisé par l’Inspecteur du travail, le caractère réel et sérieux du licenciement découlant nécessairement de l’autorisation de l’inspecteur du travail, que tel est le cas en l’espèce puisque le médecin du travail a donné son autorisation de procéder au licenciement pour inaptitude de la salariée le 11 décembre 2008, décision devenue définitive, cette dernière ne l’ayant pas contestée dans le délai de deux mois à compter de sa notification ;  

Attendu cependant que dans le cas où une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l’administration du travail de vérifier que celle-ci est réelle et justifie son licenciement ; qu’il ne lui appartient pas en revanche, dans l’exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d’un harcèlement moral dont l’effet, selon les dispositions combinées des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail, serait la nullité de la rupture du contrat de travail ; que, ce faisant, l’autorisation de licenciement donnée par l’inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l’origine de l’inaptitude lorsqu’il l’attribue à un manquement de l’employeur à ses obligations ;  

Qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;  

 

La Cour de cassation a enfin généralisé la solution à tous les manquements de l’employeur susceptibles de fonder une résiliation judiciaire : Soc. 29/06/2017 n°15-15775 : 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 janvier 2015), que Mme Y… a été engagée en qualité de médecin du travail, par l’Association santé au travail Provence ; que placée en arrêt-maladie à compter du 18 février 2008, la salariée a été déclarée, à l’issue d’un double examen médical, inapte à tous les postes de l’entreprise ; que l’inspecteur du travail a autorisé son licenciement le 31 octobre 2008 ; que licenciée le 12 novembre 2008, pour inaptitude et impossibilité de reclassement, elle a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir le paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts, pour harcèlement moral et manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents ; (…) 

Mais attendu que dans le cas où une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l’administration du travail de vérifier que l’inaptitude physique du salarié est réelle et justifie son licenciement ; qu’il ne lui appartient pas en revanche, dans l’exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d’un harcèlement moral dont l’effet, serait la nullité de la rupture du contrat de travail ; que, ce faisant, l’autorisation de licenciement donnée par l’inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l’origine de l’inaptitude lorsqu’il l’attribue à un manquement de l’employeur à ses obligations ; 

Et attendu, qu’appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel, qui a relevé que la salariée avait subi pendant de nombreuses années des changements de secrétaires de plus en plus fréquents, ayant entraîné une désorganisation de son service avec de très nombreux dysfonctionnements et un accroissement de sa charge de travail, que malgré ses nombreuses plaintes, l’employeur n’avait procédé à aucune modification de ses conditions de travail, lesquelles avaient eu des répercussions sur sa santé mentale, a estimé que cet employeur avait commis un manquement à son obligation de sécurité, dont la salariée était fondée à solliciter la réparation du préjudice en résultant et, ayant fait ressortir que l’inaptitude de la salariée était en lien avec ce manquement, a exactement décidé que celle-ci était en droit de percevoir, outre une indemnité pour perte d’emploi, une indemnité compensatrice du préavis dont l’inexécution était imputable à l’employeur ; 

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; 

 

CONCLUSION :  

Il résulte de cet examen casuistique que la jurisprudence a, pour l’essentiel, clarifié la répartition des compétences CPH/TASS – CPH/TASS/ORDRE ADMINISTRATIF. 

Quelques points d’ombre demeurent néanmoins. 

Le plus intéressant peut-être concerne la situation du salarié protégé qui, ayant préalablement saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire fondée sur un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité voire un harcèlement (dont il souhaite qu’elle produise les effets d’un licenciement sans cause ou nul selon le cas), est finalement licencié pour inaptitude sur autorisation administrative. 

La demande est résiliation judiciaire reste-t-elle recevable ? 

La Chambre sociale a jugé (Soc. 28/05/2013 n°12-15329) que la voie de la résiliation était fermée au salarié protégé licencié postérieurement même si la saisine du Conseil de Prud’hommes était antérieure à la rupture : 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X…, salariée de la société Ener’Gym Center depuis 1996, et représentant du personnel, a été licenciée pour inaptitude le 13 janvier 2010 après autorisation de l’inspecteur du travail avant qu’il ne soit statué sur les demandes tendant à la résiliation de son contrat de travail aux torts de son employeur et au paiement de diverses indemnités dont elle avait saisi le 27 octobre 2008 la juridiction prud’homale ; 

Attendu que pour faire droit à la demande de résiliation judiciaire et condamner l’employeur à payer à la salariée des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages-intérêts pour licenciement intervenu en violation du statut protecteur, l’arrêt énonce que la salariée ayant saisi le conseil de prud’hommes le 27 octobre 2008 aux fins de demander la résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur, il y a lieu de rechercher tout d’abord si elle établit que l’employeur a violé ses obligations contractuelles dans des conditions telles qu’elles justifient la résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur, que c’est à tort que le premier juge n’a pas examiné cette demande au motif que le licenciement avait été prononcé par l’employeur après autorisation de l’inspection du travail, alors qu’elle avait été formée par la salariée antérieurement au prononcé de son licenciement, qu’il ressort clairement des éléments du dossier que la salariée a été victime d’un exercice abusif du pouvoir disciplinaire de son chef d’entreprise, envoi d’avertissements, courriers multiples de reproches, mises en oeuvre de procédures de licenciement et que cette situation de fait a entraîné sa mise en arrêt de travail alors qu’elle avait déposé une main courante auprès des services de police, juste avant sa saisine du conseil de prud’hommes, et qu’il y a lieu, dès lors, de prononcer la résiliation de son contrat de travail ; 

Attendu cependant que le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire postérieurement au prononcé du licenciement notifié sur le fondement d’une autorisation administrative de licenciement accordée à l’employeur, même si la saisine du conseil des prud’hommes était antérieure à la rupture ; qu’il lui appartient seulement de faire droit le cas échéant aux demandes de dommages-intérêts au titre des fautes commises par l’employeur pendant la période antérieure au licenciement lorsque les manquements invoqués par le salarié n’ont pas été pris en considération par l’autorité administrative dans le cadre de la procédure d’autorisation ; 

Qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; 

PAR CES MOTIFS : 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a prononcé la résiliation du contrat de travail aux torts de la société Ener’Gym et en ce qu’il a condamné la société au paiement de diverses sommes au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l’indemnité pour violation du statut protecteur et des indemnités de rupture, l’arrêt rendu le 12 janvier 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris ; 

 

Or, l’arrêt (postérieur) précédemment étudié – Soc. 19/11/2014 n°13-12060 – contredit frontalement cette solution puisque l’arrêt d’appel a été cassé pour avoir jugé irrecevable la demande de résiliation judiciaire dans cette même configuration : « Attendu cependant que dans le cas où une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l’administration du travail de vérifier que celle-ci est réelle et justifie son licenciement ; qu’il ne lui appartient pas en revanche, dans l’exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d’un harcèlement moral dont l’effet, selon les dispositions combinées des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail, serait la nullité de la rupture du contrat de travail ; que, ce faisant, l’autorisation de licenciement donnée par l’inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l’origine de l’inaptitude lorsqu’il l’attribue à un manquement de l’employeur à ses obligations ; » 

A notre connaissance, l’affaire renvoyée devant la Cour d’appel d’Aix en Provence n’a pas été jugée à ce jour… 

Il est donc à espérer que la Cour de cassation se prononce rapidement pour mettre fin à cette divergence qui est lourde de conséquences en pratique. 

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